« Le chemin de la réussite n'est pas une ligne droite»
Mon récit de février 2018 :
Le voyage pour la Tanzanie approche à grand pas. Cette année, je ne pars pas seule. Cinq personnes vont m’accompagner, deux membres-marraines, un bénévole et deux parrains pour inaugurer notre 1ère classe et rencontrer les enfants ainsi que notre équipe de Sokoine et participer sur place à notre projet.
Préparation des valises… nous sommes limités en poids et le choix de ce que nous allons apporter est difficile car nous recevons beaucoup de dons (fournitures scolaires, peluches, jeux, ballons…). Nous emmenerons quelques 300 kilos pour les enfants et pour l’école.
Ce voyage va être une nouvelle expérience pour moi, je vais partager mon univers Massaï.
Nous sommes tous impatients de découvrir la classe que nous avons réussi à construire ainsi que l’environnement (mes accompagnants vont aussi découvrir le terrain que nous avons acheté).
Ces personnes vont rencontrer leurs filleuls (es), un grand moment en perspective….
Les enfants nous attendent avec impatience, ils savent que cette année il y aura beaucoup plus de « zawadi » (cadeaux) que d’habitude ! Les enfants qui vont rencontrer leur marraine – parrain sont très excités. Jacqueline et moi ferons aussi le relais pour certains enfants dont les parrains-marraines nous ont confié cadeaux ou autres messages.
Samedi 24 février : Nous décollons pour un long voyage. L’excitation est au maximum ! Nous arriverons demain en début d’après-midi à Dar es Salaam et ferons une halte à l’hôtel pour une nuit et reprendrons le voyage lundi matin en bus la majeure partie du temps.
Dimanche 25 février : Dar es Salaam et sa chaleur moite… Quel plaisir pour moi de me sentir ici… Après les formalités à la douane de l’aéroport nous allons au bureau de change. Nous retrouvons ensuite Emma et les deux taxis de l’hôtel où nous allons passer la nuit avant d’entamer notre voyage pour Sokoine. Nous chargeons tous les bagages dans un taxi et nous installons dans le deuxième. Durant le trajet, mes yeux sont rivés sur les abords de la route, rien ne doit m’échapper, la Tanzanie me manque tellement quand je suis en France… Les femmes avec leurs beaux habits colorés, les enfants qui nous regardent avec leurs grands yeux étonnés, cette vie si différente…
Nous arrivons à l’hôtel où nous sommes très bien reçus, comme d’habitude. Une bonne nuit de repos pour bien repartir demain matin !
Lundi 26 Février : Nous chargeons à nouveau nos bagages dans les deux taxis de l’hôtel pour aller à la gare routière de Dar es Salaam et prendre un bus pour nous rendre à Morogoro et ensuite deux taxis pour Sokoine. Un trajet qui va durer 6-7 heures… Dernier parcours avec le taxi, nous démarrons de Morogoro et les larmes me viennent en pensant aux enfants, à notre classe, je suis tellement impatiente d’être arrivée… Cela fait pratiquement un an que je suis l’évolution de la construction à partir de photos, vidéos et j’ai besoin d’être sur place pour réaliser le travail que nous avons accompli.
Avant d’aller au guest house, le taxi nous amène directement à l’école. Sur le passage, je montre aux personnes qui m’accompagnent, l’ancien local où les enfants étaient l’an dernier et tout le monde réalise combien ce local était petit pour tous les enfants….
Nous arrivons à l’école, le bleu des façades se fond avec ce beau ciel de Tanzanie, un gigantesque baobab domine notre école, que c’est beau… Il n’y a personne dehors juste le grand silence de l’émotion, les enfants sont dans la classe. Je ne peux plus attendre et entre dans la classe. Mes accompagnants comprennent que je peux avoir ce privilège d’être la première à entrer dans notre classe. Les enfants travaillent avec Lusajo et Ritah. Je les regarde et me mets à pleurer, en retour ils m’envoient des baisers et m’appellent « Sandrine ! Sandrine ! ». Mon filleul, Nelson, fait le timide mais affiche un grand sourire, un an que nous attendons de nous revoir…. Je sors de la classe et invite tout le monde à entrer dans la classe. Ils sont aussi intimidés que les enfants. Très émouvant de se retrouver face à tous ces petits, les yeux grands écarquillés, qui étaient si impatients de nous rencontrer. Chaque personne se présente aux enfants et ceux-ci entament une chanson de bienvenue.
Chaque parrain marraine communique ensuite avec son filleul avec l’aide de Lusajo. Les filleuls sont intimidés, pour certains c’est la première fois qu’ils voient des mzungu.
Nous sortons tous ensemble de la classe pour une récréation sur notre grand terrain arboré et nous familiariser avec les enfants. Des enfants non scolarisés viennent également à notre rencontre ainsi que des Massaïs. Je visite le bureau, les sanitaires. Ça fait du bien d’être sur place et de voir l’aboutissement de tant d’efforts… Le réservoir d’eau que nous avons installé est un pur bonheur pour les enfants, ils peuvent boire à volonté. Le petit coin cuisine que notre équipe de Sokoine a installé est bien pratique, il faudra peut-être ajouter un toit de tôle pour la saison des pluies… Je me mets en retrait et regarde tous ces enfants qui ont l’air si heureux ici. Notre école est jolie près du baobab. Je suis satisfaite de ce que l’on a réussi à faire.
Il est tard, nous sommes fatigués de notre voyage, nous allons donc au guest house, qui se situe à 10 minutes de Sokoine, pour y déposer le reste de nos bagages et allons dans un petit restaurant pour manger au son d’une musique africaine.
Mardi 27 Février : Il est 6:30, Edward vient me chercher en moto pour que j’aille dire bonjour à sa famille avant d’aller à l’école. Je suis tellement contente de revoir Mama que je n’ai pas vue l’an dernier ! Nelson, mon filleul, est ravi que je sois là de bon matin, d’autant plus que j’ai apporté des bananes et mandazi (beignets) pour le petit déjeuner. Les enfants mangent et Mesiah, petit frère de Nelson, pleure car il a peur de la mzungu, il ne se rappelle pas de moi, il était encore bébé l’an dernier…
Il est 7:15, l’heure d’aller à l’école. Nous partons tous ensemble comme d’habitude et les enfants se chamaillent pour me donner la main.
Les enfants entrent en classe pour travailler. Jacqueline et moi ouvrons les valises pour trier le matériel qui a été collecté. Edward est admiratif devant tant de cadeaux.
9:30, c’est l’heure du petit déjeuner pour les petitous. Edward a préparé le porridge. Chaque enfant prend son gobelet et la cuisinière leur sert leur repas.
Ils sortent ensuite dans la cour et nous leur donnons un des ballons de foot qui nous ont été offerts. Les Massaïs adorent le foot, imaginez donc leur joie lorsqu’ils voient le ballon !
Emma arrive avec une petite camionnette qui nous livre nos vivres pour 5 jours (fruits, légumes, pain, confiture, riz, pâtes, bouteilles d’eau, et une natte…). Nous partagerons, bien entendu et comme convenu, notre repas avec les cuisinières et notre équipe de Sokoine qui sont soucieux de nous accueillir dans les meilleurs conditions possibles.
10:30, notre petit déjeuner est prêt. Chai (lait + thé + sucre + gingembre) avec des tartines de pain à la margarine et confiture, des bananes plantain frites, des bananes (fruit) et de l’ananas. Que demander de plus ! Nous mangeons dans le bureau et de temps en temps nous voyons des petites têtes curieuses dans l’entrebâillement de la porte !
La classe étant libre, nous commençons à installer les fournitures scolaires, accrocher les décorations sur les murs, un dessin d’une petite fille qui a voulu faire plaisir aux élèves, des peluches récoltées par une école, les livres de Marie Tibi… C’est Noël avant l’heure à Sokoine !
Nous partons ensuite visiter quelques familles d’enfants parrainés. Les parents sont heureux de rencontrer les parrains et marraines et les remercient chaleureusement pour leur aide. Nous sommes parfois invités à rester manger chez eux.
Fin de journée, Edward nous ramène, Jacqueline et moi, au guest house en moto. A trois sur la moto, cheveux aux vents, haha ! Quelle aventure ! Edward a besoin de faire le plein de sa moto. Mais je n’ai pas vu de station essence par ici…. Edward s’arrête au bord de la route, un homme est là, à côté de lui une étagère avec plusieurs bouteilles d’eau minérale remplies d’essence ! Eh oui ! Hors de la ville le plein se fait avec de petites bouteilles d’eau minérale car il n’y a pas de station essence ! Ah l’Afrique… j’adore ! Pour information, le prix au litre est de 93 cts… Ce qui est assez cher pour la population rurale dont le salaire moyen est de 80€… Le carburant est acheté au compte goutte, juste pour les kilomètres à effectuer.
Mercredi 28 Février : Edward vient à nouveau me chercher à 6:30 car je veux apporter des cadeaux à ma famille Massaï. Nasra est contente car je lui ai apporté des épices, des broches pour attacher ses shukas (tissu massaï). Nelson et Mesiah reçoivent des vêtements, couvertures et autres surprises…
Je rencontre une maman d’un de nos filleuls qui est fière de me montrer le mouton qu’elle a pu acheter avec le don de la marraine de son fils. Les parents sont très reconnaissants de l’aide que nous apportons à leurs enfants.
En fin de matinée, nous sommes quelques-uns du groupe à aller à Morogoro. Il faut que j’achète les cadeaux que m’ont commandé quelques parrains et marraines. Nous en profitons pour nous promener un peu et je découvre les quartiers chics de Morogoro, quartiers des mzungus. Très bel endroit. J’ai aperçu des femmes qui façonnaient de la terre. Emma me dit qu’il s’agit du kaolin, une roche calcaire très consommée par les femmes africaines, surtout lorsqu’elles sont enceintes (apport en fer, calcium…).
Jeudi 1 Mars : Aujourd’hui il pleut, nous sommes déçues car nous avions, Jacqueline et moi, prévu des jeux à l’extérieur… Nous restons donc dans la classe et distribuons aux enfants des petits savons que la savonnerie Rampal de Salon nous a gentiment offert, des ballons gonflables, des peluches que nous avons rapportées (merci Audrey et Anne-Marie). Les enfants sont tellement excités d’avoir ces peluches dans leur classe et rient aux éclats ! Ils sont aussi très heureux de rester en classe, c’est une forme de récréation car nous les laissons s’exprimer au tableau, dessiner, chanter, danser. Jacqueline aime observer les petits écoliers, certains ont sans doute déjà quelques vocations !
Petite réunion avec Emma et Edward (Emma, président de Mtoto School Support Group et Edward membre). Ils me soumettent les besoins les plus urgents pour l’école : mettre des fenêtres au bureau et à la classe pour protéger l’intérieur des intempéries et des regards, clôturer l’école pour éviter les va-et-vient incessants (vaches, chèvres et petits curieux…) et poser l’électricité. Nous optons pour l’électricité, qui entre dans nos tarifs. Nous allons donc acheter un panneau solaire avec une batterie qui alimentera le bureau, la classe et les sanitaires. Quelques Massaïs participent à l’installation de l’électricité, ainsi que les enfants le deuxième jour ! Jacqueline et moi rebouchons la tranchée qui a été faite jusqu’aux sanitaires et les enfants nous aident à damer la terre qui rebouche cette tranchée. Me voilà donc avec les enfants, en file indienne, en train de taper des pieds pour damer la terre ! Nous les récompensons en leur donnant une sucette ! Nous aidons l’artisan à poser les lumières et le travail se fait rapidement. En cet fin d’après-midi il y a beaucoup de monde sur le terrain, une belle ambiance y règne. La nuit tombe et tout à coup… la lumière fût !!!
Nous sommes heureux de voir notre école éclairée en pleine nuit. Maintenant Emma et Edward sont rassurés car l’école sera un peu plus en sécurité la nuit. Nous avons un Massaï qui surveille l’école la nuit pour éviter les vols et destructions et Edward le relaie quelques jours dans la semaine.
Vendredi 2 Mars : Une nouvelle journée à l’école commence sous un beau soleil. Il va faire chaud aujourd’hui… Nous avons apporté des activités ludiques pour les enfants (puzzles avec chiffres, lettres, cubes, livres…). Jacqueline et moi montrons à Ritah et Lusajo qu’il est possible de faire travailler tous les enfants en même temps (petite section, moyenne section et grande section). Lorsque les grands font des calculs sur leur cahier, les petits peuvent travailler en groupe sur le tapis avec les bouliers et puzzles avec les chiffres. Les petits sont ravis de travailler de façon ludique et ils comprennent vite !
C’est l’heure du breakfast ! Les enfants sortent leur timbale pour manger leur porridge. Ensuite jeux extérieurs… Marrelle, cloche pieds, bulles de savon, foot pour les garçons.
En début d’après-midi, nous partons, Lusajo, Jacqueline et moi, visiter quelques familles. Vous souvenez-vous du pasteur de Sokoine ?? Cet homme qui a exclu Lusajo et les enfants de son église par jalousie ?… Eh bien, à ma grande surprise, je découvre qu’une des filleules est la petite fille du pasteur ! Incroyable… Lusajo me sourit et me dit que l’équipe de Sokoine préférait que j’apprenne cette nouvelle sur place, craignant une réaction négative de ma part. Il n’y a aucun soucis pour moi, cette petite fille est si attachante et malgré tous les déboires engendrés à cause de cette exclusion je tiens à montrer au pasteur que nous ne sommes pas rancuniers et que tout enfant est le bienvenu chez MtotoSchool. Je pense qu’il n’était pas très fier lorsque je suis arrivée chez lui ! Tout s’est bien passé entre nous et la petitoune était très contente des cadeaux offerts par son parrain et sa marraine.
Au retour, nous passons chez mon Nelson car Jacqueline souhaite commander des bijoux à la Mama. J’en profite pour lui faire visiter mon petit paradis, si paisible. Elle comprend et partage ce que je ressens lorsque je suis ici… Les vaches, les chèvres, les poules, les enfants et aucun bruit…
Nous retournons à l’école, nous avons encore du temps devant nous. Nous décidons toutes les deux de nettoyer le terrain. Il y a des bouteilles et sachets plastiques dans les branchages. Au boulot, sous un soleil de plomb !… Nous faisons un tas de déchets et brûlons le tout une fois notre travail terminé. Les enfants sont tous là et nous en profitons pour leur faire comprendre qu’il ne faut pas jeter n’importe quoi sur le terrain, nous leur montrons donc l’endroit où il faudra déposer les déchets. Nous les observons par la suite et nous voyons qu’ils vont d’eux-même jeter les déchets à l’endroit prévu. Pourvu que ça dure !!!…
Samedi 3 Mars : C’est le jour du Massaï Market. Il se situe à quelques kilomètres de Sokoine. C’est un très grand marché où l’on trouve de tout. Shuka (tissus Massaïs aux couleurs éclatantes), perles, bijoux, couteaux, tabac à priser, vêtements, légumes, fruits, viande… Nous nous promenons dans le marché et en profitons, Jacqueline et moi, pour acheter l’artisanat local que nous partagerons en France. Nous suivons ensuite Emma pour prendre notre repas. Nous nous installons sous une petite cabane végétale, on nous apporte une bonne pièce de boeuf sur un feuillage que les Massaïs découpent en fines tranches avec leur couteau. C’est un délice ! Une fois notre repas terminé, une femme passe avec un seau rempli de miel. Dans le seau il y a encore les abeilles et les alvéoles, rien de plus naturel ! Nous goûtons le miel et sommes conquises, Jacqueline et moi, et en achetons.
Nous nous rendons ensuite à l’endroit où les Massaïs vendent leurs bétails. Un terrain immense, avec des vaches et des chèvres à perte de vue.
Dimanche 4 Mars : Jour de repos. Je vais enfin passer une journée entière chez mon chouchou ! Jacqueline va chercher sa filleule et me rejoint chez Nelson pour que l’on passe la journée ensemble. Nous avons apporté des bananes, des biscuits et chapatis.
Beaucoup d’enfants nous rejoignent pour profiter de notre présence.
Jacqueline a apporté du papier et des feutres et nous installons les enfants sur une natte pour qu’ils dessinent. Ils adorent ça. Ce n’est pas tous les jours qu’ils ont le loisir de dessiner… Besoin de se défouler après ce moment tranquille, nous sortons les raquettes et ballons. Tous les enfants jouent et c’est le bonheur chez Nelson. Jacqueline apprend aux filles comment jouer à la marelle.
Les chèvres commencent à s’agiter, il est l’heure pour elles d’aller dans la forêt pour manger. Les femmes séparent les petits de leurs mamans pour les garder en sécurité à la maison. Les chevreaux bêlent à n’en plus finir en voyant leurs mamans partir… Nasra prépare le repas, des pâtes avec des légumes et elle choisit une belle poule pour nous. L’an dernier je lui avais acheté 3 poules et cette année elle est fière de me montrer toutes les poules qu’elle a (une vingtaine) ainsi que les oeufs. Je suis contente et fière d’elle. Je réalise combien mon aide pour mon filleul leur est précieuse… Les enfants se régalent des pâtes, ce n’est pas tous les jours qu’ils en mangent…
La nuit tombe, nous devons ramener Nashumu chez elle et retourner à l’école pour retrouver notre taxi, Edward.
Lundi 5 Mars : Aujourd’hui nous avons envie de mélanger du chocolat venant des Antilles dans le porridge des enfants. Ils n’aiment pas vraiment car le chocolat est pur et dépourvu en sucre… Nous ferons mieux la prochaine fois ! Par la suite nous commanderons du lait pour faire déguster un bon chocolat chaud bien sucré.
Une fois que les enfants jouent à l’extérieur, j’en profite pour balayer la classe et ranger correctement les fournitures à leur place.
Mardi 6 Mars : Aujourd’hui, journée festive ! Nous avons prévu de faire de la purée et des pop corns à nos petitous ! Emma demandent aux enfants de se mettre en file indienne pour la distribution des pop corn. Asante ! Asante ! (merci ! merci !). Ils adorent, ils ont une petite moustache de sucre et en redemande encore et encore !
Jacqueline et moi leur avons prévu des jeux collectifs, colin maillard, course de sacs, foot… Les enfants sont insatiables, ils veulent jouer, jouer et encore jouer malgré la chaleur !
Mercredi 7 Mars : Nous avons organisé une fête Massaï . Cette cérémonie consiste en premier lieu à tuer une chèvre pour notre repas. Nous assistons au rituel. La chèvre est pendue pour que la viande soit la plus tendre possible. Ensuite les Massaïs la dépèce et retirent les organes un à un, délicatement. Cela prend beaucoup de temps. Tout est fait proprement sur un lit de feuilles. Aucun organe n’est jeté. Tout est utilisé. Il est bien connu que les Massaïs boivent du sang… Je suis curieuse de tout et je me dis que je ne dois pas mourir bête !… Donc j’accepte de goûter une gorgée de sang ! A ma grande surprise ce n’est pas si mauvais que ça. Ça a plutôt le goût du foie et c’est épais, le goût reste en bouche pendant un certain temps même en ayant bu de l’eau tout de suite après. Je goûte aussi 2 petits morceaux de foie cru, très bon ! Les hommes et la Mama sont très heureux et me disent que maintenant je suis une pure Massaï. Vous pouvez imaginer mon émotion…
Une fois que la viande est prête, un Massaï prépare la cuisson. La viande est piquée sur des bâtons dans la terre au dessus du feu et va cuire lentement pendant quelques heures.
Les hommes mangent à quelques mètres de nous, ils ont pour habitude de manger entre eux.
Nous sommes assis sur une natte, sous le baobab vieux de 400 ans. Cet arbre est le lieu où les Massaïs se réunissent pour parler ou débattre sur différents sujets. Nous mangeons la viande qui est un délice. Quelques hommes passent près de nous et je fais la remarque à Emma qu’ils ont l’odeur du lait car ils en boivent énormément. Nous demandons ce que les Massaïs sentent lorsqu’ils sont prêt de nous. Ils sentent un doux parfum huilé et ils aiment bien. De nouveaux Massaïs arrivent au loin pour participer à la fête. Leur démarche lente et majestueuse, comparable à celle des girafes, nous laisse sans voix.
Quelques hommes s’agitent, la fête va commencer. Ils se suivent en file indienne et ils m’invitent à y participer. La mama me met un collier de perles, je les suis. Ils se mettent à pousser des cris rauques, les femmes chantent d’une voix aigüe, quelles sensations ! Inexplicable… Je réalise à ce moment-là que j’ai la chance de vivre un moment très particulier. Les 2 fils du chef Massaï, qui nous a malheureusement quittés il y a plus d’un an, sont en tête de la file indienne et dirigent toute la troupe. Ils se mettent ensuite en cercle, Jacqueline et moi faisons partie de la cérémonie et dansons avec eux. Génial ! Moment inoubliable. Ces voix et ces grands hommes sautant devant nous, c’était mon rêve et je remercie mes amis Massaïs pour nous avoir fait vivre ce moment si particulier.
Jeudi 8 Mars : Le temps passe trop vite, nous repartons demain… Chacun d’entre nous essaie de passer le plus de temps possible avec les enfants. Je passe aussi un moment sur une natte sous le baobab avec la Mama et Emma et nous parlons de nos différences culturelles. Les Africains ont du mal à comprendre les comportements individualistes des Européens. Pourquoi ne sommes-nous pas libres d’entrer chez quelqu’un sans y être invités ? Pourquoi seulement notre famille et amis proches sont conviés lors de cérémonies et pas les habitants de notre village ? Pour eux, le partage est une chose normale. Tout le monde est soudé… N’importe qui sera le bienvenu dans leur maison et un repas lui sera servi même s’il n’y en a pas assez pour tout le monde. Il y a un gouffre entre nos 2 cultures, c’est certain. Et pour être capable d’accepter cette différence, sans jugement, il faut avoir un esprit ouvert. Certains ont un complexe de supériorité, injustifié, virant à la paranoïa, d’où la haine de ce qui est différent. L’Afrique est telle qu’elle est, pauvre mais accueillante par-dessous tout. On aime l’Afrique ou on ne l’aime pas. Lorsque l’on vient en Afrique on se prépare en amont, on se renseigne sur les us et coutumes du peuple qui va nous recevoir pour les comprendre et les intégrer…
Vendredi Mars : Dernière matinée à l’école avant de repartir pour Dar es Salaam. Nous retournons à l’école et essayons de profiter au maximum des dernières heures avec les enfants… Nous leur distribuons des chamallows qu’ils ne connaissaient pas. Ils en raffolent. Le temps passe vite, Emma doit sceller la cloche dans le bureau avant que l’on parte, j’y tiens… Il la fait retentir, c’est pour nous le moment de nous dire au revoir. Les adultes versent leurs larmes, nous nous embrassons, l’émotion est très forte, des liens se sont tissés, difficile de monter dans le taxi et de partir. Mon chouchou se tient en retrait contre un arbre, nous nous regardons jusqu’à n’en plus finir… Je lui ai promis que je reviendrai très vite…
Petit clin d’oeil à Lillian Robinson, rencontrée à Dar es Salaam et qui nous a permis d’utiliser une de ses chansons pour notre vidéo.