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2016 – Retour en pays Massaï

« Le plus grand échec est de ne pas avoir le courage d'oser ».

L'Abbé Pierre

Premiers pas de l’association MtotoSchool.

Plusieurs mois de travail suite à la création de l’association MtotoSchool. Nous sommes deux à la tête de l’association et il faut que je trouve des bénévoles, des futurs membres, des donateurs, tant de choses à faire… je ne peux plus reculer, j’ai promis cette école à mes amis Massaïs et ils l’auront.

Mon projet intéresse beaucoup de monde mais je comprends que je dois faire mes preuves et démontrer que cette école pour les enfants Massaïs n’est pas seulement un rêve… Je dois être crédible aux yeux de tous si je veux trouver des fonds pour construire cette école…

Je parle de mon projet autour de moi et quelques temps plus tard je rencontre une personne qui me propose de devenir bénévole dans l’association. Nous organisons ensemble des marches solidaires pour multiplier les contacts.

Retour en Tanzanie

Février 2016 : Me revoilà en Tanzanie, non pas pour passer des vacances au soleil mais pour rencontrer les élèves du village de Sokoine, pour qui j’ai créé l’association MtotoSchool, et régler quelques tâches administratives.

J’arrive à Dar es Salaam, il est pratiquement minuit et la chaleur m’accueille dès la sortie de l’aéroport, quel plaisir ! Emmanuel aussi est là pour m’accueillir, joyeuses retrouvailles ! Je passe la nuit dans un hotel où la chaleur est étouffante et où j’entends les prières des musulmans durant une grande partie de la nuit (35% des habitants Tanzaniens sont des musulmans). Pas évident de se reposer !

Quelques petites heures de sommeil ont suffit et je suis enfin prête pour Sokoine, j’ai tellement hâte de retrouver ma famille Massaï et de faire connaissance avec les élèves du village !… Après avoir pris un taxi, nous arrivons Emma et moi à la gare routière de Dar es Salaam pour trouver un bus. Dès notre arrivée c’est la cohue autour de nous ! « Mzungu, mzungu !! » Les hommes voient une Européenne et veulent donc prendre mes valises pour me guider jusqu’à un bus pour recevoir un pourboire. Emma est obligé d’intervenir pour les calmer car ils se disputent mes valises entre eux… Nous trouvons un bus via Morogoro, nous nous installons pour 4 heures de trajet. Des hommes se présentent sous les fenêtres pour vendre des boissons et de la nourriture, c’est la frénésie dans la gare routière. Je me mets à la place de ces hommes et me dis qu’ils sont méritant de faire ce qu’ils font sous ce soleil de plomb… tout cela pour gagner si peu d’argent… Le bus démarre et je savoure chaque instant car je sais que ces 2 semaines en Tanzanie vont s’écouler à une allure folle…

Les véhicules roulent à vive allure et commettent des infractions à tout va… mais tout ça est normal ici. J’ai cru comprendre que le klaxon est primordial pour les conducteurs !…. Au lieu de freiner lorsqu’un piéton traverse la route on klaxonne pour qu’il se dépêche, lorsqu’on double un autre véhicule avec difficulté, c’est la même chose… on klaxonne pour qu’il nous laisse doubler… et les yeux des passagers du bus sont rivés droit devant, guettant le véhicule qui arrive en face….! A chaque instant j’entends murmurer le mot « Mzungu » dans le bus. Je fais l’évènement de la journée. Le bus fait une halte et Emma me propose de nous acheter un soda pour nous rafraîchir, il fait tellement chaud, j’accepte volontiers. Le bus redémarre, j’ouvre ma boisson gazeuse et…. oooohhhh grand malheur… le bus passe sur une bosse sans ralentir, ma boisson est « secouée », j’essaie tant bien que mal de retenir la mousse qui s’échappe de ma bouteille mais impossible ! Le malheureux passager qui se trouve devant moi est arrosé de soda… Il n’est pas très content, Emma lui explique ce qu’il s’est passé mais rien à faire… j’ai droit à la grimace… un bon début en Tanzanie ! Ce n’est pas avec cet homme que je tisserai des liens !

Nous arrivons à la gare routière de Morogoro. Sur cette place il y a des marchands de colliers, chaussures, casquettes, tout est si coloré. Nous quittons notre bus pour cette fois trouver un taxi qui nous amènera jusqu’à Sokoine, encore 2 heures de trajet et je serai enfin chez les Massaïs.

Sokoine :

Nous arrivons enfin dans le village de mes amis ! Ma famille Massaï a changé de lieu de résidence, l’ancienne maison était située dans un endroit plutôt aride, je préfère ce nouvel endroit. Tout est vert, il y a des arbres de partout, la rivière à côté de la maison, des vaches, des chèvres, des poules, des chiots….. C’est génial, un dépaysement total ! La Mama accoure pour m’accueillir à bras ouverts, nous sommes heureuses de nous revoir après ces 2 années passées… Nelson son petit fils de 5 ans, qui va devenir mon filleul, vient me dire bonjour et nous faisons connaissance. Il me reste des biscuits dans mon sac de voyage ainsi que des compotes. Je les distribue à la Mama, Nelson et d’autres enfants qui se sont joints à nous. Ils apprécient beaucoup ! Une fois terminé, ils me disent « biscouti » ! Mais je n’en ai plus… Lorsque je retournerai en ville je leur achèterai des biscuits… Les autres membres de la famille nous rejoignent, je suis si heureuse de retrouver tout le monde, Edward et sa femme, Mali, Jeremia… Les Massaïs vivant à proximité viennent me saluer et ça fait plaisir de voir que tout le monde m’accueille chaleureusement… J’entre dans la maison de la Mama pour y déposer mes bagages et je sens l’odeur du feu de bois dans la pièce principale qui sert de cuisine, ma vie chez les Massaïs commence maintenant… Toute la famille est aux petits soins pour moi dans cette petite maison, ils sont si chaleureux et veulent que je me sente bien chez eux. Ils me proposent un tabouret, d’autres me proposent une tasse de lait sucré, boisson quotidienne des Massaïs, la Mama me cuisine des bananes au lait que nous avons achetées avant d’arriver au village, très bon ! Tout le monde me pose des questions sur mon voyage, comment était-ce dans l’avion, si je ne suis pas trop fatiguée… Ils parlent entre eux en swahili et je regrette de ne pas avoir eu le temps d’apprendre leur langue… Il est temps d’aller se coucher, je vais partager le lit avec la femme d’Edward et Nelson, mon filleul, dans une petite maison qui se situe juste à côté.

Il est 5 heures du matin et j’aperçois de la lumière dehors, c’est la Mama qui utilise sa lampe de poche pour aller jusqu’au troupeau de vaches pour faire la traite et ensuite aller jusqu’à Morogoro pour vendre le lait. Elle ne rentrera que le soir à la tombée de la nuit… Je m’endors encore un peu et suis réveillée 1 heure plus tard… Les vaches, les chèvres passent devant la fenêtre de la maison, il est temps pour elles de partir manger dans la forêt ! Je m’approche de la fenêtre et regarde tout ce troupeau passer à 2 mètres de moi… C’est bon d’être réveillée de cette manière ! Nasra et Nelson dorment encore, je décide de partir à la recherche d’un petit coin tranquille avec mon seau d’eau de pluie pour faire ma toilette… A 6 heures du matin, il n’y a pas encore grand monde dehors, je trouve un petit endroit près de la rivière. Je choisis l’arbre qui peut supporter ma trousse de toilette, ma serviette… parfait ! Pas évident pour une première fois, juste une question d’organisation, demain ça ira mieux…

De retour à la maison, je retrouve Nelson qui est déjà réveillé lui aussi et qui essaye d’attraper à l’aide d’un bâton un de ses tee-shirt étendu sur un fil ! 5 ans et déjà débrouillard ! Il met son tee-shirt et me regarde, fier de lui, en me faisant un grand sourire, je crois qu’il m’a adoptée ! Nous nous dirigeons tous les deux vers la maison de la Mama, sa belle-fille est en train de faire chauffer le lait et cuire l’ugali, qui est l’aliment de base en Afrique de l’Est (farine de maïs cuite à l’eau et ensuite agglomérée en boule). L’ugali est un aliment simple à cuisiner et pas cher. Généralement, l’ugali est accompagné de légumes et de viande en sauce mais on peut le consommer avec une tasse de lait sucré. Il m’est arrivé de manger l’ugali simplement avec du lait, lorsque le stock de nourriture se fait rare, il faut alors prendre une bouchée d’ugali, boire une gorgée de lait et avaler le tout.

Emmanuel nous rejoint, nous prenons notre petit déjeuner. Le lait est très sucré, différent du lait que l’on boit en France ! Les poules, les chiots, les mouches veulent participer à notre repas, pas facile de manger tranquillement ! Nelson me parle en swahili, je regrette tellement de ne pas parler sa langue ! Je connais quelques mots mais ce n’est pas suffisant. Heureusement, Emma est là pour faire le traducteur…

Petit-déjeuner terminé, nous sommes prêts pour aller à l’église, Nelson a cours avec Lusajo et je vais en profiter pour faire sa connaissance ainsi que des élèves.

Pour aller à l’église nous prenons un petit chemin qui traverse la forêt, tout est vert, on entend les vaches, les chèvres. A gauche comme à droite, il y a des petites maisons, identiques à celle de la Mama, et les femmes sont à l’extérieur, lavant leur linge, triant les légumes. Elles redressent leurs têtes en me voyant passer et j’entends « Mzungu ! » et je leur dis « Jambo ! » pour leur dire bonjour dans leur langue. Elles sont contentes de voir que je connais des mots en swahili et Emmanuel me dit que je suis bienvenue ici dans le village. Des enfants jouent à certains endroits dans la forêt et je demande à Emmanuel pourquoi ils ne sont pas à l’école. Il m’explique que selon certains parents, l’école n’est pas nécessaire pour leurs enfants… C’est là que le rôle de Lusajo, l’enseignant qui travaille bénévolement dans l’église, est important. Lorsqu’il a terminé sa journée de travail, il se rend dans les familles et explique aux parents pourquoi il est important de permettre à leurs enfants d’aller à l’école. Lusajo parvient à recruter 1 nouvel élève chaque semaine. Il est 9 heures et le soleil chauffe déjà, les vaches sont allongées à l’ombre, nous nous frayons un passage entre elles pour continuer notre chemin ! Nous arrivons à l’église, Lusajo travaille avec les enfants. Je suis un peu intimidée car ce que je suis en train de vivre est unique. Je vais me retrouver face à des enfants et leur enseignant qui attendent beaucoup de moi et je réalise tout à coup que ce que j’ai mis en place en France depuis presque un an devient réel aujourd’hui. Je vais découvrir tous ces enfants que j’ai vu à travers les photos que m’ont envoyées Emma et Lusajo et… il n’y a pas de mots pour exprimer ce que je ressens… Nous entrons discrètement et je me présente à Lusajo que je ne connais pas encore mais avec qui j’ai communiqué assez souvent par messages. Les élèves découvrent la mzungu qui veut leur construire une école et ils ont le sourire jusqu’aux oreilles… Lusajo appelle les élèves un par un pour les présentations, ils sont tous intimidés, ils n’ont jamais vu de femme blanche. Ils se placent ensuite tous en rond, moi au milieu, et quelques élèves ont un papier dans leurs mains : « Bienvenue Sandrine », « Merci pour les cadeaux que tu nous apportes », « Nous avons besoin d’une école »…. que d’émotions… J’ouvre mon sac rempli de cadeaux, crayons, feutres, cahiers, ballons gonflables, bonbons…. Les enfants et Lusajo sont plus qu’heureux !Je regarde autour de moi et me rends compte dans quelles conditions Lusajo travaille avec ses élèves. Ils ont un toit, c’est certain, mais pour tout matériel ils ont les bancs de l’église et un tableau… Et pourtant, ces enfants ont envie d’apprendre et rejoignent chaque jour leur enseignant à l’église… Au nom de l’association MtotoSchool, nous avons acheté quelques fournitures scolaires, une planche avec les lettres de l’alphabet et des nombres, différents livres sur l’anatomie, les mathématiques, l’anglais, le swahili… ils n’avaient rien de tout ça… Les enfants sont un peu dissipés, ils sont tellement heureux des cadeaux qu’ils viennent de recevoir ! Lusajo décide alors de les regrouper et leur faire chanter une chanson qu’il a créé au nom de MtotoSchool. Quelle fierté dans les yeux des enfants lorsqu’ils me chantent leur chanson !

Nous nous mettons d’accord, Lusajo, Emmanuel et moi pour le lendemain. Nous devons prendre en photo chaque enfant et relever leurs informations personnelles pour leur trouver parrain/marraine qui les soutiendront pendant leur scolarité. Nous n’avons pas encore les moyens financiers de construire une école mais nous pouvons dès à présent aider les enfants à travailler dans des conditions raisonnables. Je retourne à la maison de la Mama avec Nelson et Emmanuel en milieu d’après-midi. Nous avons un peu faim car nous n’avons rien mangé depuis ce matin. Les femmes sont là, une qui confectionne un bracelet Massaï, une autre qui allaite son bébé, la Mama qui trie les légumes… Je vais saluer la Mama que je n’ai pas encore vue et Emmanuel me propose de le faire selon les rites Massaïs. Lorsque l’on dit bonjour à une personne plus âgée que soi nous devons nous approcher de cette personne en baissant la tête (ce qui est une forme de respect), la Mama pose sa main sur ma tête et me dit « Yeyoo », je lui réponds « Eoo », elle me dit alors « Takwenya » et moi « Iko » et elle éclate de rire ! Emmanuel me dit que sa maman est très contente que je la salue de cette manière ! Emmanuel parle de notre journée à l’église et les femmes écoutent avec attention, notre projet intéresse beaucoup les gens du village.

Il se met à pleuvoir, nous rentrons dans la maison de la Mama, les chèvres et les chiots aussi… ils se réchauffent auprès du feu ! Le soleil se couche et les autres membres de la famille rentre à tour de rôle. Je pense que c’est l’occasion de distribuer les cadeaux que j’ai apporté pour chacun d’eux.

J’ouvre mes valises et je sens l’excitation autour de moi… Une couverture polaire pour la Mama (eh oui, nous sommes en Afrique mais il lui arrive d’avoir froid à la saison des pluies !), des perles et accessoires pour fabriquer des bijoux, des téléphones portables que j’ai réussi à récupérer avant de partir, du savon, brosses à dents, quelques jeux pour Nelson, un album photo de mon premier séjour avec eux….

Emmanuel nous rejoint et nous en profitons pour mettre au point l’organisation du parrainage des enfants.

Les jours suivants, se ressemblent, nous faisons aussi Lusajo, Emmanuel et moi des allers-retours jusqu’à Morogoro pour régler les tâches administratives, ce qui nous prend beaucoup de temps entre le transport et les longues démarches…

J’ai tout de même réservé des journées tranquilles avec mes amis et nous sommes allés au « Massaï Market », l’endroit où les Massaïs se retrouvent pour vendre ou acheter du bétail, de la viande, des fruits et légumes, des vêtements, chaussures, perles, du tabac à priser… Nous avons mangé des brochettes de bananes cuites au feu avec des petits morceaux de viande (un délice), des chapatis….

J’ai offert un ballon de football aux Massaïs du village car ils ne pouvaient plus s’entraîner à leur sport favori !

J’ai rencontré une adorable petite fille albinos. Je pense qu’elle doit sentir qu’elle est différente car elle était toute intimidée avec les autres personnes. Je l’ai prise dans mes bras et elle touchait ma peau en ayant l’air de dire « Tiens ? Nous sommes pareilles ! ». Je tâcherai de lui apporter des lunettes de soleil et un chapeau la prochaine fois, elle a du mal à ouvrir ses yeux avec le soleil et son crâne a déjà des tâches… Comme c’est malheureux…

J’ai essayé de traire une vache… je n’allais quand même pas repartir sans le faire ! Toutes les Massaïs traient les vaches alors moi aussi ! Résultat, juste un fond de tasse, je ferai mieux la prochaine fois….

J’ai aussi assisté à une cérémonie religieuse où tous les membres du village étaient présents dans l’église, frissons lorsque les femmes Massaïs se sont mises à chanter toutes en même temps !…

Après cette soirée, je suis rentrée en pleine nuit à la maison avec la Mama, c’était la dernière avant mon départ pour Dar-Es-Salaam…

Je dois rentrer en France, ma famille m’attend.

Le lendemain matin, je bois ma dernière chope de lait… Nelson est à côté de moi, il ne me quitte pas d’une semelle… Il me parle en swahili, Emmanuel qui est à côté me dit « Nelson te demande si tu pars aujourd’hui ? ». Je réponds « Ndiyo » (oui). Emmanuel me dit que Nelson ne veut pas que je parte… moment très difficile pour tout le monde. Nous quittons la maison, tout le monde m’accompagne et Nelson prend ma main, il dit à Emmanuel qu’il part avec moi en Europe… Je n’imaginais pas qu’il puisse s’attacher à moi de cette manière, et inversement… Nous arrivons au niveau de la route et tous les amis Massaïs, ceux à qui j’ai acheté le ballon de foot, sont là pour me dire au revoir. Instants très difficiles mais que j’apprécie énormément. Je pense, à cet instant précis, à toutes les personnes qui m’ont mise en garde en sachant que je partais seule en Tanzanie… C’est cette image que je souhaite leur rapporter à mon retour, ce groupe de jeunes Massaïs m’entourant amicalement pour un dernier au revoir, je ne pouvais pas être plus en sécurité qu’avec eux…

Le bus arrive, au revoir tout le monde et à très bientôt…

En route pour la France et beaucoup d’espoir pour les enfants :

Je suis assise dans le bus et je repense à ces deux semaines passées. Je suis triste de quitter Sokoine mais contente car je vais retourner en France avec de nouvelles photos pour le projet de l’association et j’espère de tout coeur pouvoir sensibiliser du monde avec mon témoignage concernant les enfants.

Je sais que je vais devoir encore travailler énormément car ce n’est que le début, mais j’ai promis aux enfants, Lusajo et Emmanuel que je trouverai l’argent pour construire leur école.

A bientôt mes petits, vous aurez bientôt vos parrains, soyez-en sûrs et j’espère que lors de mon prochain séjour à Sokoine nous achèterons ensemble le terrain que nous convoitons pour établir notre école ..