« Dans la vie il n'y a pas de hasards, il n'y a que des rendez-vous »
Zanzibar :
Août 2012, nous sommes mon mari, ma fille et moi en vacances à Zanzibar et nous nous promenons sur la plage en admirant la mer turquoise. J’entends derrière moi : « Hello ! Do you speak english ? »… je me retourne et réponds : « Yes, a little… ». C’est Edward, un jeune massaï qui vend des souvenirs aux touristes sur la plage.
Voilà comment mon aventure en Tanzanie a commencé. Nous avons sympathisé avec Edward, parlé de nos vies respectives, de notre culture si différente et tout cela a été enrichissant autant pour ce massaï que pour nous. A la fin de nos vacances nous avons échangé nos adresses mail. J’étais loin de me douter que cet échange et cette rencontre allait modifier ma façon de voir la vie…
Mon ami Massaï :
De retour en France, je lui ai écrit et lui ai envoyé quelques photos que nous avions faites ensemble et nous étions ravis de pouvoir rester en contact malgré les milliers de kilomètres qui nous séparaient… Contacts difficiles car les coûts de communication sont chers et le réseau Tanzanien n’est pas toujours bon !!!…. Mais ça n’a pas empêché à notre amitié de grandir au fil du temps et de prendre de nos nouvelles respectives.
Un jour Edward me contacta pour me dire qu’il allait se marier et qu’il souhaitait que je sois présente à la célébration de son mariage dans son village, Sokoine, qui se situe entre Morogoro et Dodoma.
J’invite mes proches à regarder l’émission « Rendez-vous en terre inconnue » où justement Mélissa Theuriau découvre le peuple massaï … quelle coïncidence ! Le lendemain de l’émission j’apprends à ma famille et mes amis que je vais vivre la même expérience que Mélissa et assister à un mariage massaï, mais ils ne sont pas vraiment ravis lorsque je leur dis que je veux aller seule en Tanzanie… Je leur explique qu’on m’offre la chance de vivre un moment exceptionnel et que je ne veux pas la laisser passer…
De retour en Tanzanie avec des cadeaux pour mes amis Massaïs :
Fin avril 2014, me voilà à l’aéroport, prête à embarquer pour la Tanzanie ! Mes bagages sont remplis de cadeaux pour toute la famille massaï, des ballons pour les « Mtoto » (enfant en swahili, d’où MtotoSchool), des bijoux fantaisie pour les femmes, des rasoirs pour les hommes, des fournitures scolaires, des jouets, etc…. Je dis au revoir à mon mari et ma fille qui sont un peu réticents à me laisser partir seule, mais je tente une dernière fois de les rassurer en leur affirmant que je serai bien entourée en Tanzanie…
Il est plus de 23h quand j’atterris à Dar es Salaam, il fait encore chaud en cette fin de journée et la moiteur de l’Afrique m’accueille à bras ouverts ! J’aime cette atmosphère ! Edward est là, nous sommes heureux de nous retrouver après tant de sms échangés…
J’ai réservé une chambre d’hôtel à quelques pas de l’aéroport et Edward me rejoindra le lendemain matin pour aller à son village.
En route pour un séjour inoubliable chez le peuple Massaï :
Après une bonne nuit de repos, départ de Dar es Salaam pour Sokoine (un trajet d’environ 6h m’attend !). Dans le bus, tous les yeux sont tournés vers la « mzungu » (femme blanche). Les enfants rient en me voyant et je leur sourie. J’ai toujours pensé que les plus beaux bébés sont les bébés africains ! Une frimousse bien joufflue, des petites tresses pour les filles… trop mignons ! Nous sommes entassés, il y a plus de passagers que de places assises, mais peu importe, il y a encore l’allée centrale qui est libre, les passagers s’assoient sur leurs sacs et le conducteur est ravi car il vend des tickets en surplus !!!
Pendant le trajet, j’admire les paysages de la Tanzanie qui sont magnifiques. La terre ocre et le ciel bleu-gris offrent un contraste à couper le souffle. Il y a des aloe vera à perte de vue et le bord des routes est constamment animé. Acheter un véhicule coûte cher pour certains Tanzaniens donc ils se déplacent principalement à pied ou alors… en covoiturage. A chaque arrêt du bus, des hommes accourent aux fenêtres pour vendre de quoi manger et boire ! Après plusieurs heures de route, nous arrivons à Sokoine. Moi qui pensais que le voyage se terminait ici, eh bien non ! Nous devons prendre une moto car la maison de la famille d’Edward se situe dans la forêt et les « routes » sont impraticables en voiture… Mes bagages sont mis sur une moto et moi je me retrouve sur une autre moto entre le conducteur massaï et Edward … Je ris en pensant à ma famille et mes amis et je me dis « mon dieu, s’ils me voyaient… ils seraient en train de rire autant que moi ! ». Bien sûr, nous sommes fin avril et nous sommes encore à la saison des pluies en Tanzanie. Les routes sont boueuses, l’eau coule tellement à flot que parfois nous sommes obligés de descendre de la moto, traverser à pied la « petite rivière » qui s’est formée au milieu de la route pour pouvoir accéder de l’autre côté…
Rencontre avec les Massaïs :
Enfin, la moto s’arrête. Edward me dit que nous sommes arrivés mais que nous devons marcher un peu, la maison n’est plus très loin. Je m’enfonce dans la boue jusqu’aux chevilles, mes bagages sont dans un état lamentable, mes cheveux trempés… je vais faire une arrivée fracassante !!! Mais ce n’est pas grave, c’est ça l’aventure ! Nous nous dirigeons donc vers la forêt d’acacias et là, moment magique… Je pensais que nous étions seuls mais au fur et à mesure que nous entrions dans la forêt, des massaïs apparaissaient pour m’accueillir et me dire bonjour « jambo !» (écoutez l’hymne Tanzanien). J’avais l’impression de rêver, d’être dans un film… j’étais chez les massaïs, moi la petite française qui n’avait jamais rien fait d’extraordinaire dans sa vie ! Tous les massaïs venaient voir la « mzungu » ! Nous arrivons devant la maison de la maman d’Edward, maison traditionnelle des massaïs faite de terre et de bouse de vache (pas d’électricité ni eau courante !) entourée de branchages pour protéger l’habitation. Ici, c’est certain, on ne se prend pas la tête à zapper avec la télé-commande !La maman d’Edward et toute sa famille m’accueillent avec joie, comme s’ils me connaissaient depuis toujours. Une des filles de la famille me propose de me changer et de lui donner mes habits et chaussures pleins de boue pour les laver… Je suis accueillie comme une reine. A part Edward et Emmanuel, son frère, personne ne parle anglais, seulement le swahili. Difficile de communiquer avec la « mama » mais j’avais toujours un de mes traducteurs avec moi !
Premier soir dans la manyatta, quand la nuit tombe, tout le monde s’installe dans la pièce principale auprès du feu. La mama fait cuire le riz (repas principal) et tout le monde parle. Chacun a des questions à me poser et Emmanuel ou Edward fait la traduction.
L’heure du coucher arrive, je dors avec la mama. Son lit est fait de branchages entrecroisés recouverts d’une toile…et…c’est tout !!! Je peux vous dire qu’avant de me tourner dans le lit je réfléchissais à deux fois comment j’allais m’y prendre ! Les premières nuits étaient difficiles, dos meurtri, mais après… on s’habitue ! Je me disais qu’une fois retournée en France je retrouverai mon bon matelas mais elle, ma mama, elle n’aura jamais les moyens d’avoir un meilleur couchage…
Après une courte nuit… je me réveille et je vois devant moi deux petites bouilles rondes qui me regardent avec curiosité ! Abigaëlle, petite massaï de 4 ans et Philomène son frère de 1 an environ. Je leur dit « jambo » mais ils sortent de la manyatta en courant ! Ils n’ont jamais vu de femme à la peau blanche !
Découverte de la vie Massaï :
Je me lève, on me propose un petit déjeuner, une chope de lait. Le jour se lève vers les 5 heures en Tanzanie et la traîte des vaches se fait dès le lever. La belle-fille de la mama me ramène du lait dans un récipient original. Il s’agit en fait d’un fruit non comestible, séché qui sert à recueillir le lait de vache et qui est aussi utilisé comme biberon pour les bébés. Le lait est fort, je me demande pourquoi il est si différent de celui que je bois en France ?… En fait, pour nettoyer ce récipient, les femmes y mettent quelques braises refroidies et utilisent un genre de goupillon pour frotter l’intérieur. Elles le rincent et réutilisent le récipient pour la prochaine traîte (d’où le goût fort du lait). Ce lait est mélangé avec du thé et beaucoup de sucre, on appelle cette boisson le « chai ». Apparemment, cette boisson est très énergétique et compense les périodes où la nourriture vient à manquer.
Avant de partir pour la Tanzanie, j’avais préparé un « book » pour que les Massaïs aient un aperçu de notre façon de vivre, de la technologie, des coutumes, nos animaux, nos paysages, nos vêtements…. Nous nous installons sous un acacias et je leur montre les différentes photos que je leur ai amené. Les membres de la famille qui ne parlent pas anglais ont envie de communiquer avec moi, ni Emmanuel, ni Edward ne sont là donc nous nous débrouillons en mimant pour nous faire comprendre et nous avons bien rigolé !
On me propose d’aller faire ma toilette… grand moment ! On me montre un grand arbre avec au pied de celui-ci une bâche plastifiée et une grande bassine remplie d’eau de la mare. Encore une fois je pense à certaines personnes de mon entourage et je me dis qu’elles seraient bien mal à l’aise à ce moment précis. Mais ça m’est égal, je m’adapte !
La journée continue, des massaïs qui habitent aux alentours viennent à tour de rôle pour rencontrer la mzungu ! Ils sont tous très gentils, me serrent la main et me regardent de la tête aux pieds. Mes vêtements font rire les enfants (ben quoi ? t-shirt, pantalon…). Les femmes viennent regarder mes bijoux de plus près et cherchent à savoir comment ils sont faits, les enfants s’approchent de moi et essaient d’effacer mon tatouage que j’ai sur l’épaule ! Je leur explique avec des gestes que ça ne peut pas partir mais dès qu’un a fini de « gommer » ma peau, un autre vient à la charge !!! Trop mignons ! Je leur chante quelques chansons enfantines et nous rions !
Il y a beaucoup de monde autour de moi alors je me dis que c’est le moment de déballer les cadeaux. Les petits comme les grands sont ravis de découvrir les ballons, les petites voitures et toutes sortes de petits jouets que j’ai pu emporter avec moi. Les femmes se partagent les bijoux fantaisie que je leur ai amené, les hommes se rasent « à sec » tant ils sont contents d’avoir un rasoir ! Tout le monde est heureux, mais la personne la plus heureuse c’est moi… Je me mets en retrait et je les observe avec leurs cadeaux et tout ça me paraît irréel…
Je ne peux pas boire l’eau de la mare, au risque d’être malade… Nous allons donc au village pour que je m’achète ma bouteille d’eau et en profiter pour recharger mon téléphone. Trois quart d’heure de marche pour se rendre au village, ça fait réfléchir n’est-ce pas ?… Nous, qui utilisons notre voiture pour un oui et pour un non… Nous arrivons au village, je m’assoie sur un banc et cette fois ce sont les écoliers qui viennent me voir. Ils sont vêtus d’un uniforme bleu et blanc. Certains parlent entre eux et m’observent. Petit à petit ils se rapprochent de moi et je me retrouve encerclée sur mon banc, moi assise et eux debout tout autour de moi ! J’appelle Emmanuel au secours car la situation est quand même un peu angoissante !… Je sors mon appareil photo mais dès que je le braque sur eux ils partent en courant !!! J’ai quand même réussi à en prendre quelques-unes. Je leur distribue à chacun un ballon gonflable, c’est l’euphorie, ils sont tellement surexcités que je suis obligée de me percher sur mon banc ! Nous continuons notre chemin pour aller recharger mon téléphone, les enfants nous suivent et me harcèlent pour avoir encore des ballons mais je n’ai plus rien. Je me décide à sortir mon appareil photo et à le braquer sur eux…gagné ! Ils partent tous en courant !!!
Le charme de l’Afrique :
Nous arrivons à la « boutique » pour recharger mon téléphone, nous y entrons et là… grosse surprise pour moi ! Dans la pièce il y a un gros générateur et une vingtaine de téléphones par terre en train de charger ! Le problème est que quelque fois lorsque l’on revient récupérer son téléphone, il n’est rechargé que de moitié car il y a eu une coupure du générateur dans la journée. Mais c’est ce qui fait le charme de l’Afrique !
Nous nous dirigeons sur le marché du village et Emmanuel me dit que nous allons manger. Nous nous installons dans une petite cabane faite de feuillages et de branchages et on nous apporte du riz et de la viande de chèvre. Pour cuire les morceaux de viande, les massaïs piquent la viande sur des bâtons au-dessus du feu, c’est un vrai régal. Les femmes n’ont pas le droit de manger la viande avec les hommes. Apparemment je fais exception car je suis Européenne… Si à la fin du repas il reste un peu de viande que les hommes n’ont pas mangé alors celle-ci sera ramenée aux femmes et enfants…
Les jours passent, déjà 2 semaines que je vis comme une massaï et je dois regagner Dar es Salaam pour prendre mon avion… Je suis heureuse car je vais retrouver mes proches mais quelle tristesse de quitter ma famille massaï. La mama me raccompagne et me demande de revenir bientôt et me dit que je vais lui manquer. Elle aussi va me manquer ainsi que toutes les personnes que j’ai rencontrées pendant ce séjour inoubliable… Nous nous séparons les larmes aux yeux mais je sais au fond de moi que je reviendrai, je leur ai promis.
De retour à la réalité, de retour en France, je décide de venir en aide aux enfants du village de Sokoine :
De retour en France, je raconte bien sûr mon aventure à tout le monde et c’est dur pour moi car dans ma tête je suis encore là-bas, à Sokoine. J’ai mis du temps à me « reconnecter » à ma vie Européenne car vivre au rythme africain pendant 2 semaines, ressentir ce calme, j’avoue que j’étais un peu déboussolée pendant quelques semaines…
Edward, Emmanuel et moi échangeons à nouveau des sms. Je leur manque et eux aussi me manquent…
Si vous êtes encore là, cela veut dire que le récit de mon aventure vous a intéressé et je vous en remercie.
Cette famille m’a marquée à jamais et je me dis qu’il faut que je fasse une bonne action en Tanzanie dans ce village que j’aime tant. Il ne suffit pas de parcourir le monde et de ramener des souvenirs chez soi. Pour moi, il est important de «donner quelque chose en retour» pour remercier celles et ceux qui m’ont accueillie dans leur pays et dans leur vie… J’en parle avec mes amis Massaïs et nous nous mettons d’accord qu’il y a dans le village de Sokoine un réel besoin de scolariser les enfants âgés de 3 à 6 ans car les écoles maternelles ne sont pas en assez grande quantité. Cette idée m’enchante car j’adore les enfants.
Voilà pourquoi j’ai créé, avec l’aide de mes amis, l’association « MtotoSchool » en avril 2015.